Faut-il manger du cheval breton pour le sauver?

La réponse, positive des éleveurs, à cette question (Ouest France du 28/02) est sans équivoque. Le réseau armoricain Faire à Cheval adopte une position autrement nuancée.
Notre association régionale, rassemblant des utilisateurs d’équidés dont huit collectivités territoriales bretonnes (Rennes, département 35…), des professionnels de la traction animale, des citoyens soucieux d’un emploi cohérent des ressources énergétiques, œuvre, depuis plusieurs années, à la promotion des équidés de travail.
L’orientation du cheval breton vers la boucherie a de lourdes conséquences.  En seconde partie du siècle dernier, elle a déjà contribué à modifier les caractéristiques des animaux disponibles sur le marché (morphologie plus lourde, aptitudes à l’utilisation non prises en compte à commencer par le comportement…) et donc à offrir des chevaux beaucoup moins adaptés au travail que ne l’étaient les générations précédentes. Ce qui a eu pour effet pervers de détourner des chevaux bretons certains utilisateurs qui avaient du mal à trouver leur bonheur dans le cheptel offert, au bénéfice d’autres races.(percherons, cobs, comtois…) !
 
Une race indissociable du travail
Cette politique a en fait joué contre le modèle du cheval breton d’utilité. Les modèles légers dressés à l’utilisation sont alors devenus une rareté. Toutefois une tendance semblait récemment se dessiner chez certains éleveurs conscients du danger pour la race de se contenter d’une stratégie opportuniste.
 Le passé doit servir de leçon. Des visions à court terme ont déjà abouti à la disparition, au début du XXe, de la race de chevaux bretons la plus légère et la plus endurante: le bidet breton…
Affirmer qu’on ne sauvera la race qu’en développant la consommation de sa viande, c’est d’abord faire un pari dont on ne mesure pas tous les impacts. C’est surtout adresser un très mauvais signal à l’opinion et à ceux qui se battent pour trouver au cheval breton une place dans la société d’aujourd’hui (travaux en ville, agriculture…). La démarche impulsée par la région Bretagne qui soutient, depuis 2012, les collectivités locales faisant appel aux équidés de travail au travers d’un appel à projets, a contribué au recrutement d’une quarantaine de chevaux territoriaux en quatre ans. À ces chevaux là, s’ajoutent ceux qui ont rejoint une entreprise privée (maraîchage, débardage, entretien de vignes, transport de personnes, tourisme…). Cette économie du cheval utilitaire n’est pas à négliger. Des personnes en vivent et elle induit de l’activité  au travers des prestations de services, des fournitures de harnais, véhicules hippomobiles, outils de traction animale…
Favoriser son intégration en ville
Outre le fait qu’elle heurte de front pas mal de sensibilités, la politique consistant à retenir la boucherie comme principal débouché pour le cheval breton, donne une image peu valorisante de la race. Elle se heurte à deux obstacles majeurs. Le consommateur français de viande de cheval préfère la viande de cheval de réforme (rouge) à la viande de poulain, contrairement aux Italiens et Espagnols. Et le cheval est culturellement considéré comme un compagnon voire un animal de compagnie. D’où le refus de l’hippophagie par une très grande majorité de personnes.
Lorsque l’élevage breton s’est rabattu sur la boucherie à la fin du XXe, cela n’a eu pour effet que de freiner la régression du cheptel. Sans rejeter cette voie, mieux vaut privilégier une démarche volontariste favorisant son intégration dans la société comme énergie alternative, agent de médiation, présence du vivant en ville… C’est la condition pour espérer un développement durable de la race avec maintien des caractères qui en font la spécificité.
C’est plutôt dans ce sens que concluait en 2012 ce rapport commandé par le Ministère,
  « ...il  semble  avéré  que  l’utilisation  territoriale  des chevaux  peut  être  une  alternative,  ou  au  moins  un  complément  à  l’emploi  de  l’énergie mécanique au service des communes, que ce soit en milieu urbain ou dans leur périphérie. On  a  ici  un  moyen,  certes  modeste,  mais  efficace,  de  pérenniser  les  races  menacées  de disparition en mettant à profit les qualités physiques et comportementales du cheval dans la cité… »  
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